Page 63 - MOKA
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Destin sucré
Il faut dire qu’en 1827, les Britanniques abolissent les taxes sur le sucre mauricien – qui
se retrouve alors au tarif du sucre antillais. Il n’en faut pas plus pour éveiller l’intérêt des planteurs : la canne, culture d’avenir ? Beaucoup en font le pari, laissant le café tomber doucement dans l’oubli.
Portée par un marché mondial devenu favorable, la culture de la canne connaît une croissance exponentielle sur l’île. Si elle ne représente que 5,7 % des terres cultivées en 1830, quinze ans plus tard, l’île Maurice produit près de 7 % du sucre mondial – devenant la colonie britannique la plus productive.
Bien qu’ayant rapidement remplacé le café à Moka, au point d’en devenir sa culture principale, la canne reste
une culture complexe dans le cœur de l’île, où le climat trop humide ne lui est pas favorable. Face à la difficulté d’obtenir
du sucre cristallisable, Moka se tourne d’abord vers la production d’arack. Il faudra
attendre l’arrivée du guano,
un mélange peu attrayant d’excréments d’oiseaux marins avec leurs cadavres recueillis sur les plages d’Amérique du Sud, pour rendre ses champs fertiles. À cette technique s’ajoute l’introduction de la canne de Penang, de la Malaisie, dont
les caractéristiques se prêtent bien mieux au climat des hauts plateaux : Moka peut désormais prospérer !
Au total, une trentaine de sucreries opèreront dans la
région – dont une quinzaine répertoriée pour leur importance dès 1875. Mais les dommages liés à la crise de 1866 se font alors sentir. Pour y parer, Sir Henry Leclézio fait adopter vers 1880
le Company Act, transformant les avoirs familiaux en sociétés sucrières protégeant de la faillite personnelle. C’est ainsi que les grandes compagnies sucrières que l’on connaît aujourd’hui voient le jour, propulsant Moka dans son histoire moderne...T
découverte
Histoire
Couleur café
La Compagnie française des Indes orientales, dont la souveraineté s’étend de 1715 à 1767, encourage la culture de produits exotiques prisés en Europe, comme le café. L’objectif de la France est de concurrencer la Hollande sur le commerce des épices. Des plants de café arabica sont donc introduits dès le début du XVIIIe siècle,
à Bourbon et dans l’Isle de France. Ils supplantent rapidement le café sauvage de Bourbon (moins productif bien que plus réputé) et deviennent la principale culture de la colonie jusqu’en 1815.
En 1767, le gouvernement royal de Louis XV reprend les rennes de l’Isle de France et y interdit la culture du café, au profit des céréales, des grains et de l’élevage. Elle reste toutefois présente jusqu’en 1776 avec près d’un million de pieds, avant qu’une maladie ne ravage
les cultures. En 1817, une surface de 2 500 arpents, dont 41 à Moka, était encore dédiée à la culture du café avec 160 tonnes produites sur l’année. Mais en 1830, ce chiffre descend à 600 arpents pour 17 tonnes produites.
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